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Outward : un succès inespéré pour le studio québécois Nine Dots Studio

Après 4 ans de développement et avec seulement une douzaine d’employés, Nine Dots Studio a sorti Outward en 2019. Le fondateur du studio, Guillaume Boucher-Vidal, aurait été heureux d’en vendre 250 000 copies. Avec le lancement d’une nouvelle extension, Outward atteint le 1 million de copies vendues mondialement!

Après quelques heures de jeu sur Outward (joué sur Stadia, oui oui, ça fonctionne très bien!), j’ai vécu le même sentiment que j’ai vécu il y a bien des années avec The Elder Scrolls III : Morrowind. C’est à dire, ce sentiment d’avoir un monde immersif à explorer devant soi, où on avance très prudemment devant l’imprévisibilité de ce qu’on peut y retrouver. En plus, à contre-courant de ce que l’industrie propose (mais à courant de ce que les joueurs souhaitent), il est même possible d’y jouer en coop en splitscreen.

Comment Nine Dots Studio a réussi un tel tour de force avec une si petite équipe? Je me suis entretenu avec Guillaume Boucher-Vidal, PDG du studio, pour en savoir plus.

Commençons par le commencement, peux-tu me raconter l’histoire de Nine Dots Studio?

Ça a commencé il y a presque 10 ans maintenant. J’avais quitté l’entreprise Activision, je travaillais pour Beenox dans le département de l’assurance qualité. J’avais fait trois ans là-bas quand j’ai décidé de démarrer mon propre studio avec l’ambition de créer une entreprise qui allait avoir des méthodes de gestion à contre-courant par rapport au reste de l’industrie. C’est-à-dire se baser sur des conditions de travail saines, et éviter le surtemps à profusion et ce qu’on appelle le crunch time, je suis sûre que t’en as entendu parler en masse.

Aussi, faire en sorte que tous les membres de l’équipe se sentent un peu plus impliqués dans la direction du jeu, qu’ils ne soient pas seulement un rouage de la machine, mais bien une partie prenante créative dans tout ça. Alors, c’était avec un ensemble de principes comme ceux-là que j’avais une idée de non pas un jeu que je voulais faire, mais d’une entreprise que je voulais créer et qui allait faire des jeux. Et quand j’ai lancé ça, je ne connaissais personne avec qui me lancer. En fait, je connaissais du monde, mais pas des gens nécessairement compatibles avec ma vision.

C’est à partir de ça que j’ai pu recruter une équipe. J’allais dans des rencontres de portfolios étudiants. Je suis même allé carrément voir les directeurs de programme des écoles pour leur demander s’ils connaissaient des gens qui avaient terminé le programme et que c’était une aberration qu’ils n’aient pas trouvé un job. Je couraillais les événements et je présentais l’idée de Nine Dots, de saine gestion et tout ça. C’est comme ça que j’ai pu recruter une équipe alors que je n’avais pas vraiment de moyens pour payer les salaires. Ce que je pouvais offrir, c’était de faire un partage de revenus sur le premier titre et de voir comment ça évoluerait.

On a commencé avec un premier projet. Une des raisons du timing, c’est qu’à l’époque, Xbox Indie Games venait d’être lancé, ce qui permettait d’avoir des jeux indépendants lancés sur console. C’était très inatteignable avant ça. C’était un coup d’envoi qui nous permettait de viser plus large. On s’est lancé avec ça et on a fait un projet-pilote qui s’appelle Brand. On a travaillé dessus, on était cinq personnes dans un petit studio de 86 pieds carrés. C’était vraiment le concept de band de garage. Après un an, on a lancé le jeu. Ça n’a pas vraiment fonctionné financièrement, mais le but c’était de se connaître comme équipe plus que de faire la grosse piasse avec un premier jeu en tant qu’équipe sans expérience.

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Ensuite, on a fait GoD Factory: Wingmen, sur lequel on a travaillé pendant deux ans et demi. C’était avec une ambition beaucoup plus… pas qu’on n’était pas sérieux avant, mais là c’était un peu plus proche de notre potentiel en tant qu’équipe. Plutôt que juste faire un jeu pour le finir, on a fait un jeu pour prouver qu’on était capable. On a passé d’un plate-formeur avec un gameplay en 2D à un space combat sim 4 contre 4 dans lequel tu peux fabriquer tes vaisseaux pièce par pièce, avec certaines inspirations du genre MOBA. Quelque chose de quand même beaucoup plus ambitieux. On n’a pas fait de profit, mais on avait quand même eu une traction quand même beaucoup plus importante. Si bien qu’on a pu signer un deal avec Bandai Namco. On est donc passé du petit jeu sur Xbox Live mini games à un jeu qui est digne de signer avec un gros publisher de réputation mondiale.

On avait un peu le vent dans les voiles, mais ça reste que quand le jeu a lancé, on n’a clairement eu aucun soutien marketing de la part de Bandai Namco, et ça a vraiment fait patate. On s’est retrouvé sans le sou, mais avec l’intention de continuer malgré tout. On a commencé à travailler sur Outward. On a passé d’un plate-formeur 2D, à un space combat sim, à un open world RPG qui se joue en splitscreen ou en coop online, donc vraiment une très grosse progression d’ambition.

Avec un prototype, qu’on a monté en deux ou trois semaines, on a réussi à aller chercher un maigre 50 000 $ d’investissements privés. Avec cet argent-là, on s’est mis à travailler. On était six qui restaient dans la compagnie à ce moment-là. On s’est tous mis sur un salaire minimum. Il a fallu qu’on déménage avec deux semaines de préavis à Montréal parce que c’était un des critères pour avoir droit à cet argent-là. Il fallait qu’ils puissent travailler avec nous sur place, dans leur espace de coworking.

On a donc fait ça pendant trois mois, on a travaillé sur un Kickstarter et une demande de financement du Fonds des médias du Canada. Le Kickstarter n’a même pas fonctionné, mais on a réussi à avoir le FMC. Ça, c’est un bon montant, on a été cherché 962 000 $. Enfin, on avait un budget, quelque chose pour arrêter de juste manger nos croûtes et pouvoir vraiment vivre décemment et penser sur plus le long terme. On a travaillé pendant quatre ans sur Outward. À peu près à mi-chemin de la production, un peu plus, on a signé avec Koch Media, ceux qui possèdent le label Deep Silver. C’est là qu’on a pu, avec l’addition des ressources du Fonds des médias et de Deep Silver et mon propre endettement personnel, combler tous les besoins financiers.

Outward, ça semble un projet ambitieux, et vous êtes un petit studio. Comment avez-vous approché ce projet-là pour réussir à faire quelque chose de cette envergure?

Un des trucs qui est vraiment au cœur de Nine Dots, c’est justement cette vision dont je parlais, de vouloir des méthodes de gestion qui sont plus saines. C’était important pour moi de prouver à l’industrie tout entière que ce n’est pas juste des belles paroles, mais bien qu’on pouvait obtenir un rendement supérieur quand on traitait mieux ses employés et quand on prenait en considération la motivation, le momentum créatif, le ownership.

Ça a toujours été un peu intentionnel de faire des jeux qui paraissaient trop gros aux yeux des autres pour notre taille d’équipe, parce que c’était la seule façon de pouvoir passer le message. Juste dire ce n’est pas de la bullshit, traite mieux tes employés et t’en fera plus, alors on a toujours optimisé notre pipeline pour démontrer ça. Selon moi, quand ton équipe sent qu’elle ne travaille pas dans le beurre, qu’on ne gaspille pas des assets, qu’on sait où on se dirige, on garde vraiment une espèce de flamme qui fait que les choses avancent beaucoup plus vite. Il faut en quelque sorte gérer cette flamme-là, en évitant le gaspillage, en ne brûlant pas son personnel, mais aussi en ayant une idée très claire le plus tôt possible de ce qu’on fait et pourquoi. Ça peut sonner comme de la sorcellerie, ce que je dis. Il y a des trucs, oui, mais c’est ça l’essentiel; juste de maintenir le moral et avoir une idée claire de où on s’en va. Et ça fait de nous, littéralement… si on n’est pas LE studio le plus efficace pour l’argent investi sur la planète, on est au moins dans le top 5.

Mais à la base c’est vraiment ça, c’est cette gestion-là, de faire du planning, de connaître son design, de bien penser à ses hypothèses, à pourquoi ça va être plaisant, pourquoi les joueurs vont vouloir vivre ce type d’expérience, et se concentrer là-dessus. Ça ne veut pas dire qu’on a jamais dévié de nos plans, mais à chaque fois qu’on faisait des ajustements, on savait quand même dans quelle direction on voulait aller, on s’assurait juste de prendre le bon chemin pour s’y rendre. C’est le truc que je peux comprendre qui semble le plus érudit.

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Ensuite, l’autre point c’est que quand on a une plus petite équipe, on peut mieux choisir chaque membre. Quand on pense aux gros studios, typiquement, ils vont engager peut-être 20 personnes d’un coup, et le talent dans le jeu vidéo, c’est vraiment primordial. Nous, on engage les gens, un, deux ou trois à la fois, alors on peut vraiment trouver la perle rare à chaque fois pour former une équipe cohésive. Je ne dis pas qu’on a toujours trouvé exactement les meilleurs, mais le cœur de notre équipe est très solide grâce à ça. Je suis quand même quelqu’un qui peut être assez exigeant envers mon équipe. On a besoin de gens qui ont un niveau d’autonomie et de discipline qu’on ne retrouve pas si fréquemment que ça, même chez ceux qui ont beaucoup d’expérience. Il y a certains barèmes dont on a besoin comme types de personnalités pour que ça fitte. Il faut trouver des gens qui ont cette cohésion très forte entre le genre de profils dont on a besoin et qui croient au genre de vision qu’on crée.

D’autres points aussi, c’est en ne faisant aucunement du crunch, ça nous met des barèmes où, parce qu’on n’a pas l’option de mettre juste plus de temps, on est toujours à la recherche de l’optimisation. Disons qu’on détermine que c’est notre objectif de faire ça en quatre semaines. D’autres studios, ça leur prend une équipe de mettons 25 personnes pour arriver à faire ça en X temps. Donc nous, on décide très tôt quels sont les compromis qu’on doit faire, tout ce qu’on doit réaliser pour y arriver le plus rapidement possible. C’est une question de priorisation des tâches aussi qui devient très méthodique : sur quoi on a besoin de travailler maintenant, pourquoi, de quelle façon. On essaie de faire un peu de planning.

Un truc qu’on fait et que je sais que ce n’est pas tous les studios qui le font, c’est qu’au moment même où on décide quel genre on va faire, on dresse la liste complète de toutes les features qu’on a besoin de faire, une par une. On décortique, on fait un estimé de temps que ça va prendre. On va avoir un objectif, « ok ça prend tant que temps », selon nous. Et puis on va faire un ajustement de ces évaluations-là tous les X mois. C’est un des trucs qu’on fait. Mais comme j’ai dit, il y a des petits trucs, mais l’essence est vraiment de ne pas se donner du lousse à travers cette idée de pouvoir toujours faire de l’overtime, toujours empiler dessus pis brûler son équipe, et plutôt travailler sur la préservation du moral et garder un bon esprit.

Donc Outward, c’est un RPG à monde ouvert, de ce que je comprends il y a des éléments de survie aussi. Mais rapidement, peux-tu me dire qu’est-ce qui distingue Outward des millions d’autres RPG à monde ouvert qui sortent?

Tout d’abord, c’est un truc qui se répète souvent, le monde dit « y’a tellement de RPG, c’est un milieu saturé », mais c’est tellement pas vrai. Quand on regarde avec un regard critique, des RPG qui valent la peine d’être joués, dans un genre monde ouvert, il en sort rarement plus que cinq par année. Et quand on regarde l’audience pour ces jeux-là, c’est du monde qui en mange. La première semaine que Outward est sorti, on avait des joueurs qui avaient déjà 60, 120 heures de jeu. C’est du monde qui trempe là-dedans, pis à ce rythme de consommation là, ils en demandent toujours plus. Il n’y a pas moyen de faire un jeu qui a assez contenu pour tenir un joueur occupé pendant aussi longtemps, puisqu’il brûle le contenu.

Le deuxième, on se distingue en étant à peu près le seul RPG à ma connaissance où tu n’es pas une espèce de héros unique de la prophétie sacrée, le dernier de ta tribu, ou quelque chose comme ça. On veut se concentrer sur l’aspect immersif, et c’est pour ça qu’on a des éléments de survie, d’ailleurs. Le but des éléments de survie, ce n’était pas juste de se coller à cette mode de jeux comme Rust. On se demandait comment créer un univers plus immersif? Je trouve que les autres jeux te mettent la cuillère d’argent dans bouche en te donnant tout ce que tu veux. Et c’est parfait si tu veux faire une boite à jouets, mais c’est moins bon si tu veux créer un univers crédible dans lequel t’as envie de te perdre. C’est ça, Outward.

Dans le jeu, on incarne un personnage qui n’est pas exceptionnel, qui ne se fait pas toujours taper dans le dos parce qu’il est meilleur que tout le monde, qu’il a toujours ce qu’il veut et qu’il te rappelle que c’est juste un jeu. Si on fait abstraction de ça, et qu’à place on met des conséquences, on fait que tu ne peux pas reculer en arrière, foncer dans le tas, juste brandir ton épée et tuer tout le monde. T’as besoin de penser, de réfléchir comme tu le ferais dans une telle situation. T’as besoin d’avoir peur si c’est deux contre un. Comment je penserais dans une situation où je serais deux contre un, et que eux ce sont des guerriers qui tuent du monde pour le profit alors que je suis juste un paysan qui se fait sortir de sa maison? Je suis dans le pétrin, j’utilise ma caboche, je vais placer un piège, empoisonner mon épée… Cet aspect de préparation qui te demande de réfléchir comme si tu étais dans cette situation, c’est ça notre point fort, l’immersion. C’est le cœur de tout ça.

On avait au départ un slogan qu’on a dû laisser tomber : « On est un simulateur de vie d’aventurier ». Le problème, c’est que le mot « simulateur » peut être interprété de plusieurs façons, alors ça créait des attentes contradictoires. Même au sein de l’équipe, c’était difficile parce que pour certains, ça voulait dire qu’on allait checker des choses comme la température, et vraiment mettre l’accent là-dessus. Techniquement, ce n’est pas simulationniste de fonctionner avec des points de vie vu que ça ne fonctionne pas comme ça dans la vraie vie. Pour d’autres, c’est un jeu très simulationniste parce que t’as besoin de dormir et de porter un manteau. Donc, on a laissé tomber ce barème-là, mais ça reste dans l’essence du design de jeu.

Aussi, on a le coop qui est un élément rare dans ce genre-là. T’as les MMO d’un côté, que tu peux jouer 25-30, t’as des jeux solos, mais très peu d’options dans ce genre qui soient plus intimes.

En plus tu peux jouer local splitscreen, ce qui est de plus en plus rare à part les jeux de Nintendo. Ce n’est plus à la mode, mais les gens le demandent. Chaque fois que je vois qu’il y a un jeu splitscreen, on voit que les gens sont contents. On jouait dans le temps en splitscreen sur des minis télés cathodiques. Maintenant on a des télés 4k, mais pas d’option splitscreen.

Ça a été le plus gros défi technique, de permettre au jeu de se jouer en splitscreen. Parce que un, vu que ce n’est pas une feature si populaire, les engins ne la supportent pas bien. Donc, il a fallu qu’on fasse beaucoup de choses customs pour ça. Et aussi, le visuel, même en single player, doit être sacrifié pour permettre d’avoir du splitscreen. Il y a certains trucs que tu ne peux pas faire, tu ne peux pas optimiser chaque micro-détail puisque tu permets aux deux joueurs d’avoir chacun leur écran.

Ça oblige à baisser la barre de la qualité du visuel d’un point de vue technique. Le marketing se fie tellement là-dessus, sur la fidélité graphique, pour vendre leurs jeux, que c’est rare que c’est quelque chose qui vont prioriser, mais pour moi c’était important. J’ai trippé à avoir ces expériences-là avec des amis ou mon frère, à jouer en splitscreen, et je voulais créer quelque chose qui puisse ramener ça et l’offrir aux autres.

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Donc là vous venez de franchir le cap du million de copies vendues, c’est ça? Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès?

Non, tellement pas! Surtout après deux flops. Le premier jeu, on a fait à peu près 30 000 $, le deuxième, je dirais un peu plus de 300 000 $ au total. Le premier on a travaillé un an, le deuxième deux ans et demi. Moi, mes attentes étaient très conservatrices.

Pour Outward, je ne voulais pas signifier aux gens que c’était un jeu cheap, surtout avec une petite équipe, donc on a mis un prix un peu plus élevé, à 40 $. Ce n’est pas le prix d’un triple A, mais pas non plus le prix d’un petit jeu indie amateur. On ne chargeait pas juste 10-15 $, on était confiant dans la quantité et la qualité du contenu, et aussi dans l’unicité de notre offre.

Le jeu aurait été un break even, on aurait été correct après environ 115 000 ou 125 000 copies vendues. Mon objectif personnel était de vendre 100 000 copies. Et je m’étais dit que si on se rendait au quart de million, ce serait un coup de circuit, on aurait vraiment réussi. On a vendu 600 000 copies dans la première année, et on s’est rendu à un million un peu moins de deux ans après le lancement. C’est loin au-delà de mes attentes. J’étais conditionné dans un esprit de survie de mon entreprise, d’être capable de toffer ma run avec très peu de ventes. Donc pour moi, un million c’est encore surréaliste, je me pince à chaque jour.

Est-ce que c’est un jeu qui a eu beaucoup de succès en Europe, en Asie?

Le Canada est notre troisième plus gros territoire. Le premier est les États-Unis. On avait entre autres PC Gamer et IGN qui avaient bien suivi la campagne avant le lancement. PC Gamer a particulièrement aimé le jeu. Il y a Christopher Livington qui a nommé Outward son jeu préféré de l’année. Donc on a eu vraiment un bon suivi avec ça. On a eu certains streamers de bon profil aussi. Je pense à Cohh, qui a joué au jeu en masse. Il a fait une centaine de vidéos d’une demi-heure sur Outward. Ça, c’est aussi un bon point de répartition de l’information. Donc les États-Unis, c’est un gros marché.

L’Allemagne, l’Europe en général… Koch Media et Deep Silver sont plus centrés sur l’Europe, ils sont bons pour la distribution là-bas. Dans les négociations avec le publisher, c’était important pour moi d’avoir une distribution physique, toujours dans l’optique de développer la légitimité aux yeux des joueurs. Tu rentres dans un magasin, tu vois la pochette d’un jeu que tu ne connais pas. Outward, c’est quoi? Tu vas peut-être l’acheter à ce moment-là, mais ça met une empreinte sur ton cerveau, et après quand t’en réentends parler, tu te dis « ah oui, le jeu qui existe, que j’ai vu sur une tablette ». Ça concrétise. Il y a eu plus de distribution physique en Europe qu’aux États-Unis, qu’en Amérique du Nord. Comme quoi c’est le turf de Koch Media et Deep Silver.

J’ai été surpris de voir les ventes qui sont quand même fortes au Canada, le troisième territoire en nombre de ventes. Ce n’est pas clair si c’est parce qu’on a fait des efforts locaux. Dans des groupes Facebook québécois, il y a eu certaines discussions Outward, certaines que j’avais démarrées moi-même et d’autre qui étaient organiques. On a un groupe Facebook avec plus de 4000 membres. On a un serveur Discord avec 14 000 membres. Il y a environ 40 000 abonnés au subreddit, c’est vraiment tout réparti. L’effort est vraiment mondial, je dirais. Mais ce que j’aimerais savoir, c’est d’où viennent nos ventes au Canada. Est-ce que c’est le résultat de nos efforts locaux au Québec, ou est-ce parce que le Canada utilise les mêmes sources que les États-Unis pour s’informer? Ce n’est pas clair et je n’ai pas vraiment de façon de vérifier cette information-là sans être intrusif avec les joueurs, chose que je ne fais vraiment pas.

Est-ce que c’est dans les plans d’amener le jeu sur d’autres plateformes?

On va peut-être regarder nos options. C’est sûr que tant que ce n’est pas annoncé avec notre publisher, on reste assez prudent. Mais on a un bon momentum et on veut le préserver, donc c’est juste logique de regarder pour amener le jeu sur les prochaines consoles. Le game performance aussi, ce serait une expérience de jeu plus smooth. On pourrait peut-être réduire les temps de chargement, qui sont quand même assez longs sur consoles. Si on pouvait les réduire au cinquième de ça, c’est sûr que ça ferait une meilleure expérience. Aussi, pour la fidélité graphique, il y a quand même une bonne différence de qualité visuelle entre la version PC et les consoles. Alors, c’est sûr que ça vaut la peine de regarder. Mais encore une fois, moi je peux rien promettre, on regarde.

Comme tu sais, on est une petite équipe, donc là on vient de terminer un deuxième DLC. On a aussi lancé récemment la version Stadia. On est déjà éparpillés partout et une fois que ces trucs sont à terme, on peut commencer à regarder les prochaines façons de maintenir le momentum qu’on a dernière notre jeu.

Justement, vous venez de lancer le DLC Three Brothers. Qu’est-ce que ça amène de nouveau à Outward?

Le premier DLC, c’était quelque chose qui était une histoire en parallèle aux trois autres qu’on avait introduites. Cette fois-ci avec Three Brothers, c’est plutôt quelque chose qu’on met par-dessus. Donc une fois qu’on a terminé la quête principale, ou plutôt une des quatre quêtes principales, il y a moyen de continuer son aventure. On ajoute un élément qui a fortement été demandé et qui a surprenamment pris son sens dans l’expérience, c’est-à-dire faire la construction d’une ville.

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C’est quelque chose qui est associé à plusieurs jeux de survie et qui est pas nécessairement attendu, mais en tout cas désiré. Le côté base building est vraiment une très grosse composante. Et bien sûr, ce qui est étonnant, c’est que nos joueurs sont des masochistes qui demandent toujours de plus en plus de trucs difficiles. Donc Caldera, la région où se trouve le DLC de Three Brothers, est une région beaucoup plus difficile, où la température est extrêmement élevée et où il faut une très forte défense contre les ennemis très forts.

Tout ça permet de ramener au point de départ parce que nos joueurs après plus d’un an sont très habitués et expérimentés, et ce qui était extrêmement difficile quand ils commençaient, c’est maintenant un cakewalk. On voulait leur faire revivre ce sentiment que tout est trop difficile même si leurs personnages sont bien avancés. C’est ça qu’on apporte avec Three Brothers.

Comment ça fonctionne le développement pour Stadia, est-ce que c’est juste la version PC, ou est-ce qu’il y a un travail supplémentaire?

D’un point de vue technique, c’est quand même très difficile. Ils demandent beaucoup de trucs particuliers et comme c’est tout nouveau, Stadia, on ne peut pas s’attendre au même degré d’outils et de soutien. La collaboration entre Google et notre engin, Unity, est à ses débuts aussi, donc on rencontre des obstacles au fur et à mesure du développement. On est beaucoup plus en mode défrichement et découverte que de suivre une route toute pavée. Donc dans un sens, c’est un portage plus complexe, plus difficile que par exemple de passer de PC à console.

Comment vous êtes-vous adaptés au télétravail en contexte de pandémie?

C’est sûr que dans le jeu vidéo à la base, ce sont tous des défis technologiques auxquels on a déjà été confrontés auparavant, mais c’est vraiment à la longue que ça devient plus difficile. Quand on est tous dans un milieu physique, il y a des conversations spontanées qui ne sont pas prévues, mais extrêmement utiles et qui permettent de garder la colle entre les éléments. On s’est rendu compte beaucoup plus tard de trucs qui manquaient, de décisions qui n’ont pas été prises, de réflexions qui n’ont pas eu lieu à cause du côté très déconnecté des membres de l’équipe. On se rend compte des défis qui viennent avec ça.

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Au départ, on se dit que ça va bien et certains appréciaient cela parce qu’il y avait moins de distractions, donc certaines tâches avancent plus vite. Pour une entreprise, avancer rapidement, c’est très important, comme tu peux le comprendre, mais parfois ça peut aller un peu trop vite; on avançait dans un truc, mais un autre truc qui aurait eu besoin d’avancer était un peu laissé à son sort jusqu’à ce qu’on s’en rende compte trois semaines trop tard. Ah non, il y a tel truc qu’on avait oublié et qu’il n’y a pas encore de solution de design.

Bien sûr, juste l’aspect collaboratif, friendly, social nous manque énormément à travers cela. Mais ça reste qu’on n’est pas pour se plaindre parce que l’industrie du jeu vidéo bénéficie étrangement de cette situation. Les gens étant enfermés chez eux, consomment plus de jeux vidéo et moins de bar et resto. Notre chiffre d’affaires en a bénéficié. On pense aux gens qui doivent prendre plus de risques pour leur travail… Je ne veux pas avoir l’air du gars qui se plaint de la situation actuelle quand y’en a d’autres qui mènent réellement le combat.

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